Agences, composer avec une même enveloppe budgétaire

Agences, composer avec une même enveloppe budgétaire

Face à l’augmentation du prix de leurs prestations, les agences trouvent des solutions en privilégiant la RSE et font preuve d’agilité et de pédagogie auprès de leurs clients.

L’agence Magic Garden accompagne des entreprises, des marques et des institutions sur des salons professionnels et grand public comme Vivatech cette année. Comment appréhende-t-elle l’inflation sur l’activité salons ? Quelles en sont les conséquences pour ses clients ? « Nous subissons une hausse de + 20 % environ sur les prix des matériaux utilisés pour construire un stand et réaliser la scénographie », expose Marie-Ange Bazaille, directrice des productions chez Magic Garden qui a engagé des discussions avec ses partenaires et ses fournisseurs sur la disponibilité des produits et les tarifs des commandes. « Certains fournisseurs ont anticipé leurs achats de quelques mois et essaient pour le moment de ne pas trop nous répercuter la hausse des prix. Mais, nous alertons nos clients d’une part sur cette hausse des prix des matériaux de fabrication (décoration, bois, signalétique…) et d’autre part sur le rallongement des délais de livraison en raison des questions d’approvisionnement », indique Marie-Ange Bazaille. « Face à cette situation, nous avons une approche pédagogique auprès de nos clients qui majoritairement comprennent la hausse des prix », ajoute Jonathan Hawes, directeur conseil chez Magic Garden. La question du temps devient un élément décisif dans les commandes de matériaux mais également dans le budget. Pour cause, « nous sommes confrontés aux évolutions des prix du marché. Nous définissons pour notre client, un budget à l’instant T. Mais, entre la réalisation du devis et la signature du contrat, les prestataires ne peuvent plus garantir leur prix, le coût des matériaux pouvant évoluer entretemps. Tout le travail des agences est d’être agile pour trouver des solutions sans dénaturer le projet et faire des arbitrages dans ses choix afin d’entrer dans l’enveloppe budgétaire », indique Jonathan Hawes. Reste que dans ce contexte inflationniste, Magic Garden cherche à inscrire chaque projet dans une démarche RSE. « Nous concevons des décors qui utilisent entre autres des éléments récupérés et/ou des matériaux recyclables et des stands pérennes qui vont être réutilisés sur d’autres opérations pour amortir les coûts et limiter leur impact carbone »

« Évidemment, l’inflation est un sujet pour nous, comme pour l’ensemble des professionnels. Elle a pour conséquence immédiate une augmentation du prix de nos prestations, ce qui est difficile à répercuter quand l’enveloppe budgétaire de nos clients n’augmente pas. À charge pour nous de dire aux donneurs d’ordres « attention, ce qui valait 100 l’an dernier vaut davantage cette année, donc si vous voulez rester dans le même budget, la prestation sera nécessairement un peu minorée. » Si l’on tient compte également des augmentations de salaire qui ont été consenties aux équipes, toutes ces hausses viennent fragiliser la marge de l’agence, dans un modèle économique déjà intrinsèquement très sensible à la conjoncture. Tout ceci peut avoir pour conséquence, parfois, d’entrainer l’annulation de l’événement, le client se disant qu’il attendra des jours meilleurs. Désormais, dans toutes nos propositions budgétaires, il est clairement spécifié que nous sommes dans un contexte inflationniste et que par conséquent, après avoir signé le devis, les prix peuvent augmenter. À date, aucun acheteur n’a remis en cause cette précision, d’autant que nous sommes de plus en plus face à des acheteurs compréhensifs et connaissant nos métiers. » – Jean-Baptiste Fouquet-Lapar, Directeur Général de Numéro 21

« En 2023, nous allons exposer pour la première fois à New York en février et sans doute au salon Première Classe à Paris en septembre. Ce sera pour nous l’occasion de montrer nos collections de prêt-à-porter à base de nos fils Lurex. Un investissement qui nous paraît important pour promouvoir notre marque et auquel nous ne renonçons pas malgré l’inflation. En tant que professionnelle, les salons restent un moment privilégié pour rencontrer évidemment des acheteurs, mais aussi des fournisseurs. En tant que visiteur, je participe donc régulièrement à Première Vision pour connaitre les tendances et voir physiquement les tissus et les accessoires à partir desquels nous allons monter nos collections. Même chose pour le salon Who’s Next sur lequel je rencontre mes fournisseurs. J’avoue que la période de la crise Covid n’a pas été des plus simples car sélectionner des tissus sans les voir, les toucher, sans pouvoir juger de leur tenue et de leur rendu est quasiment impossible. La dynamique salons de 2022 a donc été très appréciable ! » –  Isabelle Fière Directrice boutique Maison Lurex

Conclusion

A entendre les professionnels de l’événementiel, 2023 sera probablement source d’un stress d’un autre ordre que celui ayant marqué l’année qui vient de s’achever. La tension sur les plannings devrait se relâcher, pour laisser place à un trend de marché sans doute plus saccadé, une visibilité très réduite et une tension sur les prix. Un contexte incertain qui ne sera pas si nouveau pour une profession rompue aux aléas de la conjoncture. Souvenons nous de l’augmentation des mesures de sûreté à laquelle le marché avait dû faire face après la loi antiterroriste et l’état d’urgence. Puis la crise des gilets jaunes qui a pénalisé l’activité en une période de fin d’année habituellement faste ; enfin et surtout la crise sanitaire et ses conséquences inédites. Résilient le secteur tient bon, par ailleurs soutenu par l’accompagnement des pouvoirs publics.

Autre facteur rassurant, la vitalité de l’activité des entreprises françaises tient bon – même si les marges de ces dernières devraient baisser selon les prévisions de l’Insee, le chômage vire toujours à la baisse et la sobriété énergétique des Français porte ses fruits.

Pour juguler l’installation d’un possible climat de morosité, voire de contestations sur le terrain social notamment, il va falloir miser sur la confiance et le volontarisme. Confiance entre des donneurs d’ordre et des prestataires pareillement soumis à l’inflation, et audace de faire autrement et de penser de nouveaux modèles. Car de la contrainte né l’innovation, et l’une des leçons de cette énième crise à laquelle se confronte l’événementiel est bel et bien l’accélération de sa transition écologique. D’autant que la situation épidémique en Chine et le conflit ukrainien vont continuer de perturber l’approvisionnement en matières premières. Enfin rappelons les impératifs de transition écologique qui se sont faits plus criants en 2022. La nouvelle génération de collaborateurs et de managers juniors veille au grain et ne manquera pas de fustiger l’événementiel « à la papa » qui ne pense pas durable. De fait, les professionnels – et notamment les prestataires se sont déjà engagés dans des process de réduction de leur empreinte carbone. Ils vont devoir accélérer et embarquer avec eux tout l’écosystème. Vaste mais formidable défi d’aujourd’hui et de demain.

 

Inflation, les chiffres de l’impact

Crealians, Prestalians et le Leads ont publié en septembre 2022 les résultats d’une enquête sur l’impact de l’augmentation des prix et de l’inflation auprès des prestataires, des agences et des clients, sur la base des données INSEE* 2022 T1.

Après comparaison de l’indice de référence BT1, on note une augmentation de 8.6 points de l’indice de base, ce qui représente une augmentation générale moyenne de 7,39 % sur un an et de 12,63 € sur 3 ans. À titre d’exemple, un stand vendu 10 000 € en 2019 et reconstruit à l’identique et dans les mêmes conditions en 2022 pourrait se vendre 11 263 €. Par ailleurs, l’enquête indique que l’augmentation des matières premières qui peut atteindre de 20 à 25 % n’a pas le même impact sur le prix final que les augmentations salariales. De même, l’inflation salariale n’aura pas le même impact chez un menuisier (45 % des dépenses) que chez un loueur de mobilier (26 %). En ce qui concerne les agences, celles-ci ont la possibilité de procéder à une augmentation sur la base de l’indice BT1 soit 7,39 % (base avril 2021/avril 2022), mais l’impact réel des augmentations peut se su›re de 4.9 % d’augmentation.

Toujours selon l’étude, 2023 devrait voir une inflation plutôt proche de 2 %. La négociation peut porter sur 2 ans d’augmentation (5 % en 2022 et 2 % en 2023).

* Données INSEE 2022 T1, selon indice BT1

 

Article publié dans le numéro du Guide de Janvier 2023 – Troisème et dernière partie du dossier « Inflation, une énième crise à surmonter pour le secteur ». Propos recueillis par Abigail Elher et Charlie Bronte.

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