Jean-Stéphane Cantero : repenser les événements, fédérer les communautés, inventer de nouveaux services, de nouveaux temps forts.

Jean-Stéphane Cantero : repenser les événements, fédérer les communautés, inventer de nouveaux services, de nouveaux temps forts.

Parmi les nombreux atouts du secteur événementiel, il y’a le fait d’être animé par une grande diversité de personnalités aux profils singuliers. Parmi la galerie de portraits publiés par la Gazette des Salons depuis une douzaine d’années, nous avons cette fois mis le cap vers l’Aquitaine pour rencontrer Jean-Stéphane Cantero.

Ce professionnel reconnu des foires et salons est un authentique bordelais. Son immersion dans le secteur événementiel a commencé il y’a une vingtaine d’années en pilotant des partenariats pour le Tour de France à la voile, le Journal Sud-Ouest, et le Prologue du Paris-Dakar. Après une longue collaboration chez le leader européen de l’organisation de congrès Europa organisation il crée sa propre agence de communication événementielle, l’agence MAP. Jean-Stéphane Cantero a œuvré à partir de 2014 au sein de Congrès et Expositions de Bordeaux en tant que Responsable Commercial Production d’Evénements. Une période de six belles années de « up and down » propre au secteur, avec en toile de fond un travail très enrichissant sur le plan humain dont il garde un très bon souvenir. Un parcours ponctué d’interventions dans des workshops pour des écoles de commerce, une formation dans le digital et qui passe ensuite par le secteur santé. Pour écrire la suite, Jean-Stéphane est actuellement en quête d’un projet stimulant sur Bordeaux.

Gazette des Salons : Jean-Stéphane, vous êtes un acteur et un observateur éclairé du monde des salons. Selon vous, quelles devraient être les évolutions du secteur ?

Jean-Stéphane Cantero : La crise sanitaire est arrivée sans crier gare et a mis l’ensemble de la filière à l’arrêt en quelques jours. Passé l’étape de sidération, la période d’inactivité forcée a obligé le secteur à se repenser pour préparer la reprise. Nous avons touché du doigt la grande fragilité du secteur et le besoin de réinventer le modèle. Nous avons également eu aussi le temps d’observer d’autres secteurs et réfléchir à l’adaptation de leurs succès sur nos salons. Le premier exemple qui me vient à l’esprit est celui du sport. Pour un match de Rugby, les gens se déplacent pour vivre une expérience exceptionnelle. Etre sur place et partager ses émotions est exceptionnel, le live est exceptionnel mais nous pouvons aussi le vivre avec des dizaines de milliers d’autres participants que ce soit par la télévision ou le web. Pour moi, le présentiel restera définitivement le format de référence des événements de demain à condition d’apporter ce qui peut les rendre uniques : la passion, la découverte, le partage et tout ce qui génère des émotions, de l’enrichissement. Pour que l’alchimie fonctionne, Il faut créer l’événement dans l’événement, inventer de nouveaux services, de nouveaux temps forts. Il ne faut pas céder aux sirènes de la Tech et de cet « efferveTech » qui donne des réponses à des questions qui n’ont pas été posées par le secteur. Un XV de de France qui pilonne son meilleur ennemi du XV de la Rose dans le Metaverse ce sera sans moi !

La question essentielle de tout créateur d’événements doit être : Comment faire vivre une communauté ? Ma conviction est qu’il faut fédérer autour d’un événement physique et développer le digital pour faire le lien le reste du temps. Le digital sera un complément indispensable à la vie de la communauté ciblée avec un temps fort annuel en présentiel. Par le digital je m’informe, j’accompagne, j’explique par du contenu et par le présentiel je partage. N’oublions pas que les événements de type Foires et Salons Btob ou BtoC ont deux publics cibles : les exposants, partenaires et les visiteurs ! le champ des possibles est immense à condition d’accepter l’évolution de son modèle économique.

La création de nouveaux services et la diversification sous entendent l’émergence de nouveaux métiers, comme la collecte et la vente de bases de données, les fameuses data, la mise à disposition de son équipe commerciale à d’autres organisateurs, savoir être plus complets et coproduire les événements, la création de nouveaux services comme un centre de formation pour les exposants avec des workshops sur comment exposer, comment communiquer sur un salon, des conférences sur le marché concerné par l’exposant, les tendances… Il faudra en faire plus et être en contact plus important avec les publics cibles dans un marché volatile où les échanges se font actuellement une fois par an uniquement sur un volet commercial.

Enfin, je pense que l’avenir des salons est au « Less but more » avec des événements plus ciblés et plus petits mais plus fréquents, avec un modèle économique différent, basé sur l’agilité, sortant de la routine pour saisir toutes les opportunités. Les événements de demain concerneront des niches, des communautés spécifiques aux codes distincts et avec un sentiment d’appartenance fort que l’organisateur devra développer. Pourquoi le rugby ou autre sport fonctionne ? les concerts, les pièces de théâtre ? Parce que ce sont des temps forts qui s’adressent à une communauté précise. Un fan de U2 vie U2, achète U2, partage avec la communauté en réelle ou via les réseaux sociaux du U2 visionne du U2 et va au concert de U2… et que dire du succès des parcs d’attraction thématisés !
Le mixe digital, présentiel fonctionne !

GdS : Parmi les différents formats de salons, les foires apparaissent de plus en plus vulnérables avec de grandes disparités de résultats. Qu’en pensez-vous ?

JSC : Pour faire la différence avec les centres commerciaux et la vente en ligne, leurs concurrents frontaux, les foires doivent avant tout affirmer leur facteur différenciant ! Plus que jamais, les gens ont besoin de sortir, faire la fête, de se divertir. Pourquoi vais-je sur une foire ? A partir de là, quelle foire de demain fait-on ? Quelles animations met-on en place pour se différencier ? La réponse se trouve généralement à proximité en misant sur les richesses de son propre territoire. Un acteur doit à la fois puiser et occuper le terrain local, là où se joue principalement la réussite de la foire. Sortir des parcs pour investir la Cité et assumer son rôle de porte-drapeau de l’activité locale, en conservant le cœur de l’activité foire dans le parc. On développe les contenus, on crée une expérience enrichissante, et pas uniquement mercantile. Là aussi, participer à une foire, c’est adhérer à une communauté. Maintenir le lien, pourquoi pas avec des webinaires réguliers tout au long de l’année sur les attentes du public. Il est impératif de créer ce lien annuel avec les cibles exposants et visiteurs à l’heure où les choix et sollicitations se font à profusion et où la décision de participation à un événement se fait parfois du soir au lendemain.

Sur une quinzaine de Foires importantes, demain les exposants en choisiront peut-être parmi 4 ou 5, les plus rentables et avec de vrais facteurs différenciants. Les Foires sont concurrentes, pas pour les visiteurs mais pour les exposants moteurs économiques de l’événement. Nike, Adidas, Reebok font des chaussures de sport… Mais pourquoi vais-je choisir une marque précisément et pourquoi vais-je y être fidèle. La foire est un produit.

GdS : Cette notion d’appartenance à un territoire vous semble chère. Est-ce aussi important pour un parc d’expositions qui a aussi vocation à faire venir tous types d’événements ?

JSC : Un organisateur, un parc expo est souvent le plus grand club économique du territoire tant l’ensemble des événements compte de partenaires publics, privés dans des univers très différents. Tous les parcs français sont détenteurs de bases de données uniques, d’un grand intérêt pour leur région. Il faut savoir faire preuve d’audace. L’équipe du parc expo peut par exemple porter l’attractivité de son territoire en commercialisant des partenariats pour le compte de la collectivité, créer des clubs économiques et jouer son rôle de facilitateur de business, de rencontre par d’autres moyens complémentaires à ceux existant. Je suis exposant d’un événement et je peux tout au long de l’année apprendre des choses, parfaire ma culture de mon propre métier, rencontrer d’autres entreprises de mon secteur, veiller à l’innovation en rencontrant mes concurrents… l’organisateur n’est plus un vendeur de m2 mais bien un partenaire économique complet.
Plus largement, il faut utiliser les compétences métier plus largement, structurellement impliquer des entreprises au-delà de leur cœur de métier.

GdS : Vous avez évoqué le rôle des organisateurs et des parcs, qu’en est-il des exposants ?

JSC : Les exposants sont le rouage essentiel de toute la filière. Lors de ma dernière discussion avec madame la députée Corinne Vignon, très impliquée sur le sujet évènementiel et très bon porte-parole auprès du gouvernement, j’ai insisté sur le fait que la relance passera directement ou indirectement par eux car ce sont leur financement qui font vivre tout le monde. Les exposants fidèles, les reconquêtes ou les nouveaux doivent être valorisés et aidés pour venir, et pas seulement leur donner l’occasion de se rencontrer une seule fois par an. Il ne faut jamais perdre de vue que l’exposant vient pour vendre, et sans arrêt se remettre en question pour réfléchir à ce qu’on leur apporte vraiment. Si on veut pérenniser un salon, je suis convaincu qu’il faut impliquer davantage les exposants pour mieux ressentir leurs besoins et mieux les accompagner. Cela permet aussi de minimiser la marge d’erreur, particulièrement pour les événements grand-public. On doit passer d’une relation de clients à celle de partenaires autour d’une relation plus inclusive : on fait ensemble. Je suis très optimiste sur la capacité d’un organisateur à créer un board avec des exposants et des partenaires afin de définir les meilleures dates du salon (par exemple), les thématiques, le découpage de l’exposition…

En conclusion, Je suis très optimiste sur la capacité des Foires et des gens formidables à fédérer toute l’énergie pour rebondir !
Je profite également de votre question pour saluer le remarquable travail des syndicats comme Unimev, Crealians, Prestalians qui œuvrent chaque jour depuis le début de la pandémie pour faire reconnaitre la profession, l’aider et envisager le futur. Petit clin d’œil amical également à l’UMENA (Union des Métiers de l’Evénementiel en Nouvelle Aquitaine) dont j’ai pu assister à la naissance avec la belle et professionnelle initiative fédératrice de Fabrice Guérineau.

L’équipe de la Gazette des Salons est heureuse de vous annoncer que Jean-Stéphane Cantero publiera régulièrement des chroniques ici.

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