Les salons hors les murs, meilleur ami ou pire ennemi des salons traditionnels ?

Les salons hors les murs, meilleur ami ou pire ennemi des salons traditionnels ?

Analyse comparée : L’expérience Maison & Objet qui vient tout juste de fermer ses portes, nous fait démonstration d’un challenge réussi : Le traditionnel salon à Paris Nord Villepinte et la très chic « Paris Design Week »

On rapporte souvent que les salons répondent au schéma du théâtre classique : Unité de lieu, de temps et d’action. Cela étant dit, l’analyse budgétaire d’un salon met en évidence les coûts attachés au lieu : locatif et coûts des prestataires concessionnaires, une économie parallèle très lucrative, mais aussi tous les coûts associés. Tout cela fait des salons français parmi les plus chers du monde, aucune subvention locative étatique ou régionale ne venant aider cette industrie comme chez certains de nos voisins ayant une approche globale de l’économie d’un salon.

Et cela rend parfois légitime le choix de certains exposants de ne pas participer au salon, mais à investir dans une autre forme de marketing. Ou plus simplement de s’exposer «hors les murs», profitant de l’unité de temps et d’action en minimisant les coûts des lieux d’accueil et de leurs accessoires.

Nous avons vécu ce type de situation, parfois même avec des leaders de marché : Une marque organisant dans un lieu voisin un événement parallèle, que d’aucuns percevront comme du parasitisme économique. Car en effet, profitant du plan marketing et communication du salon sans en payer les coûts.

Quand ce phénomène est anecdotique, il n’affecte que peu l’économie du salon. Quand il finit par fédérer un certain nombre d’exposants du salon, il devient problématique, car il s’impose rapidement comme « salon parallèle », ce que les lois de la libre concurrence Européenne autorisent, nonobstant son aspect parasite. A moins bien sûr, que cette manifestation parallèle ne soit organisée par l’organisateur du salon lui-même, coupant ainsi l’herbe sous les pieds de sa concurrence dans l’œuf.

C’est un peu ce qui est arrivé à Maison & Objet. Créé dans la version actuelle avec talent par Etienne Cochet, le salon prit une place incontestable à l’international avec deux éditions annuelles à Villepinte. 

Nous le savons bien, pour qu’un salon fasse autorité, il faut aussi qu’il bénéficie des fleurons du marché. C’est ainsi qu’il sut séduire les grands exposants et notamment des filières remarquables comme, par exemple, celle des éditeurs de la décoration. 

Peut être à la fois un grand atout et un inconvénient s’agissant du ciblage visiteur : les éditeurs dont la cible est essentiellement les fabricants se retrouvant avec les exposants de produits finis dont la cible est dans le commerce de détail.

Mais une forte tempête mit fin à cette expérience à l’époque, le chapiteau abritant ces éditeurs menaçant de s’envoler, entraînant sa fermeture pendant deux jours. C’est alors que naquit le « Paris Déco Off » sous l’impulsion de Philippe Parent, un décorateur parisien influent appuyé par les plus grands éditeurs dont Pierre Frey ou Séverine Pansu, célèbres éditeurs de tissus d’ameublement.

Ce fut une première où les show-rooms des éditeurs firent salon hors les murs dans les plus beaux quartiers parisiens, Saint Germain des Prés et la place des victoires notamment.

L’astuce fut aussi d’ouvrir les cocktails d’inauguration des galeries la veille de l’ouverture de Maison & Objet pour s’approprier l’événement d’ouverture. 

Ce fut à l’image et selon les codes des « High End Days » créés par la SPAT quelques années auparavant, manifestation hors les murs du Festival Son & Image, réunissant le fleuron de la haute-fidélité mondiale dans les auditoriums parisiens les plus réputés pour démontrer et vendre leur très haut de gamme.

La réplique de Maison & Objet à cette concurrence du « Paris Déco Off » ne se fit pas attendre et le salon enfanta sa propre concurrence hors les murs : La « Paris Design Week ». Énorme avantage, cette manifestation parallèle bénéficia du marketing fort du salon, de sa puissance de mobilisation visiteurs et en devint rapidement un événement indissociable. 

Il faut néanmoins considérer les points de vue des visiteurs internationaux que nous avons pu rencontrer. Certains d’entre eux en effet, faisant un séjour limité à une journée à Paris n’auront pas la possibilité de se rendre au cœur de la capitale avec les embarras de la circulation et refusant d’amputer une partie de leur temps de visite au salon. 

D’autres bien sûr prendront une journée supplémentaire pour s’y rendre à raison qu’ils représentent leur cœur de cible et leur market place.

Le reproche que font aujourd’hui certains détracteurs c’est que Maison & Objet serait devenu essentiellement un salon à destination des boutiques de décoration, en raison de la prévalence des produits finis, plus que celle des architectes et décorateurs d’intérieur qui recherchent plutôt des éditeurs. Peu importe, dirions-nous, Maison & Objet et la Paris Design Week nous offrent les deux !

C’est donc la démonstration ici, que dans ce cas, le dispositif des deux événements associés est un win to win pour tous et la morale de l’histoire revient à créer des synergies ne laissant pas ou peu de place à la création d’événements parallèles. Épouser ce que l’on ne peut combattre et faire preuve d’innovation et de réactivité pour garder le contrôle sur son marché. 

Parfois l’exercice devient néanmoins périlleux : Après avoir passé la journée d’ouverture à Villepinte il fallait répondre à l’invitation au cocktail de tous les showroom parisiens qui se tiennent tous le jeudi soir ! Autant dire qu’il fallait réserver un Uber ou une trottinette pour prendre une demi coupe de champagne chez l’un, un petit four chez l’autre, une autre coupe chez le 3e et un canapé saumon chez le quatrième, sur le canapé duquel je me suis endormi après cette journée marathon….

 

Jean-Marie HUBERT

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