La relation commerciale inclusive : l’arme business de demain pour les salons

La relation commerciale inclusive : l’arme business de demain pour les salons

Par Jean-Stéphane CANTERO

Deux ans après le séisme COVID marquant l’arrêt total la filière celle-ci doit reconsidérer ses fondamentaux comme bon nombre de secteurs d’activités. Le focus que je souhaite vous soumettre aujourd’hui est lié à la base de toute entreprise : le commerce.

Chaque entreprise peut avoir le meilleur produit, le produit le plus innovant si elle ne déploie pas de forces vives pour le vendre, de stratégies optimales pour développer les ventes ou encore de facteurs différenciants vis-à-vis de la concurrence le produit restera le meilleur mais dans un placard.

Les leaders du marché, des marchés ont, cependant, avancé en se développant, en se réorganisant, en s’appropriant de nouveaux métiers via l’acquisition, prises de capitaux, en créant de nouveaux modèles (l’expérience immersive de l’atelier des lumières par exemple ou Le fameux Metaverse fait également parler de lui depuis quelques mois…. Quelques-uns ont cédé aux sirènes des Licornes (il faudra faire un bilan dans 5 à 6 ans)

Toujours passionné par la relation commerciale (que je côtoie depuis 20 ans) j’ai pu échanger avec des clients, participer à des webinaires, réaliser des workshops pour des étudiants, allez sur des événements, salons, congrès… Mes différents écrits et mon réseau m’ont ouvert des portes intéressantes pour partager mon opinion et aller plus loin dans ma réflexion. Ces échanges, ces partages de point de vue ont alimenté une conviction forte que j’ai toujours assumé mais à laquelle nous devons prêter une attention particulière : la relation client.

Avant tout autre chose il faut s’intéresser à ceux qui financent, à ceux sans qui notre métier n’a pas de sens et pas de moyens. Cela tombe sous le sens, mais l’évidence est parfois la seule chose qui ne saute pas aux yeux.

Avant la pandémie la mécanique était bien huilée et ne souffrait pas de remise en question culturelle. Il y avait bien entendu des conjonctures économiques défavorables, des produits en fin de cycle mais globalement 1+1+1=3. Le modèle économique simple et copiable à l’infini : 1 organisateur / 1 financeur (sponsor/partenaire/exposant) et 1 visiteur grand-public ou BtoB.

Un exposant ne vient sur un salon que pour assurer son R.O.I

Les deux dernières années ont marqué les limites du système. Un exposant ne vient que pour assurer un ROI correct et atteindre ses objectifs commerciaux. Sur un événement pro ou public un exposant va investir dans une surface / un stand / du temps équipe (salaires)/ de la communication/des hôtels pour son staff et les repas et autres frais de fonctionnement. Comprenez que cela sous-entend qu’avant même l’ouverture les dépenses sont importantes et donc risquées. A un niveau d’exigence élevé des exposants s’ajoutent donc de nombreuses contraintes.

Stimuler la venue des visiteurs

Un visiteur est quant à lui de plus en plus volatile : l’ultra concurrence des salons sur les mêmes thématiques, le développement des zones commerciales dans les grandes villes qui multiplient le choix (et des entées de magasins gratuites contrairement aux foires), Internet qui offre non seulement une offre mondiale avec réception d’un colis en 5 jours, des marques qui créent leurs propres événements clients dans leurs locaux, la possibilité exponentielle d’échanger avec des experts inaccessibles en présentiel, des patrons qui limitent le nombre de déplacement des collaborateurs…

Les grandes messes, les incontournables tous secteurs confondus (salon auto Genève, congrès médicaux, salons techniques, biennales des arts…) perdureront et essentiellement dans les capitales. Less but more semble vouloir nous dicter le marché. Un exemple, le fameux Vinexpo fierté bordelaise qui se déploie sur Paris avec un succès retentissant au détriment des bords de Garonne pourtant capitale mondiale du vin. Les événements satellites à ces grands rendez-vous deviendront optionnels sans réaction des acteurs.

La covid a accéléré ces érosions, ce schéma de toute manière inéluctable et a repositionné violemment le rôle d’organisateur dans son travail de courtier économique: faire le lien entre une offre (d’un exposant, des professionnels de l’aéronautique au Bourget, d’un fabricant de matériel viti-vinicole) et une demande des visiteurs pour voir sur un seul événement toute la concurrence, mesurer l’innovation de leurs métiers, acheter au meilleur prix, passer un bon moment en famille sans débourser un menu à 40 € dans un snack moyen de gamme…

2019-2021 a donc marqué la naissance timide de la relation client.

2021 : la naissance de relation commerciale inclusive

Il faut aider les financeurs à revenir sur les événements. L’économie événementielle ne repartira que si les événements retrouvent leurs clients (exposants et visiteurs). Il faut amorcer la dynamique économique 3.0.

Aider un exposant c’est comprendre sa problématique et l’inciter à développer ou continuer de développer des formes de ventes dites événementielles hors de son schéma culturel, de son magasin, de son modèle économique et souvent de son ADN. En période de crises ces modes de ventes deviennent optionnels et les résultats depuis deux ans d’une grande majorité de salons pros et grands-publics avec de fortes baisses du nombre des exposants en est la preuve. La CCI Paris Île de France a publié récemment des chiffres qui doivent nous interpeller.

Il y a donc une réelle nécessité à réagir, concrètement trois niveaux d’inclusion des exposants et visiteurs :

Phase 1 : la réflexion commune :

Il faut inclure l’exposant dans la réflexion même de l’événement et créer un board organisateur qui alimenterait la co-construction du salon, de la foire…. Nous pouvons imaginer que pour les salons pros les représentants des marques soient représentés pour mettre en exergue leurs attentes, leurs souhaits sur tous les sujets concernant le salon (dates, durées, plan d’implantation, contenu…). Qui connait mieux le marché et son futur qu’un expert du secteur ? Sur les Foires nous pouvons envisager la création d’un syndicat des vendeurs itinérants en plus des syndicats locaux (Marseille et d’autres villes le font dans le meuble est c’est un exemple à suivre) et intégrer également les antennes locales du Medef au tour de table sur tous les sujets. L’organisateur passe ainsi d’un organisateur décideur à un organisateur inclusif dans la relation client. Il écoute ainsi ce qu’attendent réellement les financeurs et s’assurent des participations. Le client devient donc expert et consultant pour l’organisateur.

L’organisateur devient un facilitateur économique

Idem chez les visiteurs. Les grands-publicitaires font des pré-tests des campagnes de pub qui finissent sur nos écrans, à la radio…. Pourquoi ne pas interroger un panel de visiteurs sur le contenu BtoB ou grand public d’un événement ? L’avantage majeur sera de minimiser les risques par les audits.

L’organisateur devenue cheville ouvrière sort de sa solitude et de sa routine pour remplir pleinement son rôle : piloter un projet tripartite qui répond aux attentes du marché et des consommateurs.

Phase 2 : l’aide financière & l’accompagnement

J’ai lu avec attention le rapport de madame Corinne Vignon et apprécie particulièrement sa démarche de concertation nationale.

En plus de participer à la matière grise d’un événement l’exposant (fidèle ou nouveau) doit être aidé à investir par des règles précises pour relancer la machine. L’idée de l’aide à hauteur de 12 500 € max est bonne mais maintenant il faut rentrer dans le sujet (qui s’avère complexe). Un exposant « fidèle » doit être récompensé de toutes ces années de confiance à l’organisateur et le « nouveau » doit être incité à participer sur un événement co-construit par ses pairs pour générer du business. Mon expérience me fait dire que les débuts seront difficiles mais cette inclusion marque un vrai tournant dans une approche globale commerciale.

L’allégement fiscal des sommes dépensées me parait simple à mettre en place. Les CCI locales devraient être impliquées dans la gestion des aides. Tant mieux ! elles sont également au cœur des moteurs économiques locaux et doivent participer pleinement aux projets.

Ainsi les événements deviennent « brandés » avec des arguments jamais vus et une image revue.

Je rejoins Madame la député Vignon sur la nécessaire réflexion d’un seul syndicat fédérateur avec un interlocuteur unique et la création d’une communication globale, la réflexion d’une campagne foire et salons et de son utilité dans l’économie pour les exposants et les visiteurs. Les noms même de « Foire » et « Salon » ne sont-ils pas obsolètes ? ces derniers mois nous constatons une méconnaissance totale des politiques et du grand public des métiers de l’événementiel et de l’impact économique national et bien sûr local.

Une campagne nationale de valorisation de la filière événementielle

Les métiers de la relation client seront les atouts des structures de demain. On ne parlera plus de commerciaux événementiels mais bien de responsables de la relation client. Les entreprises ont intérêt à capitaliser et à reformater leurs services commerciaux, à former les équipes et à les accompagner sur cette voie de la concertation qui sera source de relations moins tendues car partagées, d’optimisation des ventes car en adéquation avec les attentes des acteurs concernées, de sérénité avec les aides de retour sur les événements et le fameux label qualité vérifié et validé par des experts. Je crois donc en une filière de formation dédiée aux usage et aux codes de ces métiers.

Phase 3 : devenir activateur économique

Au-delà des différents points cités je pense que compte tenu des dates espacées des événements dits récurrents l’organisateur doit garder le lien avec ses partenaires et continuer à jouer son rôle de plateforme d’échange. La notion de club spécifique à un salon, une foire et donc à des domaines précis semble être une idée qui devrait émerger. En réunissant ses partenaires toute l’année l’organisateur :

  • Garde le lien et renforce la fidélité ;
  • Crée un réseau dans lequel les partenaires vont générer leurs propres réseaux, accroitre la connaissance de leur secteur par la rencontre conviviale avec des concurrents (par exemple) et bien entendu suivre l’activité des filières concernées ;
  • Prend un avantage sur les autres salons par un facteur différenciant : la proximité et la transparence. N’oublions que toutes les Foires et salons sont concurrents et qu’un exposant / un partenaire sera fatalement face à des choix. Il y a donc un combat collectif via les syndicats mais aussi un combat territorial de chaque événement. La concurrence est saine et souvent porteuse de créativité et de remise en question. N’oublions jamais qu’un client a le choix !
  • Diffuser de l’information et faires des points réguliers sur l’avancement du grand projet annuel qu’est le salon. Il n’y pas que des temps dits « contractuels » mais des temps conviviaux qui positionne clairement l’organisateur dans la relation inclusive.
    Pour avoir déjà essayé de mettre en place ce type de projet les retours ont toujours été très bons et encourageants.

Pour avoir déjà essayé de mettre en place ce type de projet les retours ont toujours été très bons et encourageants.

Exemples d’innovations dans la relation commerciale

Afin de sortir de la théorie et être concret je vous propose trois exemples que j’ai pu créer et piloter afin d’innover dans une la relation commerciale :

Opération Chocolatine :

Lors des opérations de prospection sur de gros évènements de type Foire Internationales nous avions constaté avec l’équipe que nos interlocuteurs étaient peu enclins à parler business car concentrés sur le business présent, sur l’événement

Tous nos concurrents étaient également présents…. Il fallait sortir du lot avec un facteur différenciant.

Nous avons donc anticipé notre venue en envoyant plusieurs centaines de chocolatines sur le lieu de l’évènement, la Foire de Marseille. La foire de Marseille a joué le jeu pour ce projet innovant. Le matin même de l’ouverture une équipe d’hôtes et d’hôtesses ont fait le tour des stands , moment calme, des secteurs préalablement identifiés afin de remettre des chocolatines et un petit message  » A Bordeaux on dit Chocolatine ». Le message annonçait également notre venue et le numéro du commercial. Ce clin d’oeil sympathique permettait de faire sauter le levier du ‘j’ai pas trop le temps » car nous avions offert le petit déjeuner et joué sur le fameux combat territorial « chocolatine / Pain au chocolat ». Les retours ont été bons, l’accueil chaleureux et je pense que cela a facilité la signature de contrats.

Soirée fidèles lors d’un événement :

Lors d’un évènement concurrent au Parc expos de Paris nous ne voulions pas prospecter sur le terrain car l’organisateur le voyait d’un mauvais œil, ce que je comprends. Nous avons donc anticipé et loué un restaurant à 5 mn du Parc expo et nous avons convié nos meilleurs clients à la fermeture du salon à boire un verre tous ensemble et prendre connaissance du contenu de notre prochain événement. Les invités se sont sentis flattés que nous pensions à eux sans être agressif commercialement, ils ont apprécié le moment après une journée difficile sur le salon. Le ton était volontairement relax afin de nouer des liens solides et montré que nos clients étaient importants. Bénéfice très positif dans la relation client inclusive.

La tournée du Van :

Persuadé que pour la prospection il fallait allait chercher nos clients et nos visiteurs nous avons loué un Combi VW des années 60 avec une signalétique dédiée à notre évènement, nous avons embauché un hôte et une hôtesse 2 ou 3 semaines afin de sillonner les zones commerciales régionales, annoncer l’évènement et remettre des prospectus avec les bons contacts.

Le résultat a été en dessous de nos attentes mais cette grande première méritait d’être affinée car je suis persuadé qu’il faut aller rencontrer, échanger, présenter, donner envie et se différencier.

En conclusion de cet article et pour être clair l’évolution du métier de commercial pourrait se décrire ainsi :

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